Mines d’uranium. L’urgence de la décontamination

Le projet de décontamination des anciennes mines d’uranium du Morbihan mené par Areva se poursuit. Sur le papier en tout cas. Un projet vise à stocker à Persquen (56) près de 10.000 m³ de stériles provenant des anciens sites d’extraction. Mais aussi des remblais réutilisés par des agriculteurs ou des particuliers. Le maire, qui a été informé très tardivement, peut difficilement s’opposer à ce projet car le terrain appartient à la multinationale. Surtout que le temps presse puisqu’en 2018, date de la fin des concessions à Areva, ce sera aux communes de dépolluer ces sites.

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Jusque dans les années 80, une vingtaine de mines d’uranium ont été exploitées par la Cogéma – Compagnie générale des matières nucléaires – du sud de Pontivy (56) à Arzano (29). À la fin de leur exploitation, la plupart des sites ont été comblés et fermés. Ces dernières années, Roz Glas, une association environnementale, a poussé à la roue pour qu’Areva, héritière de la Cogéma, décontamine les sites et leurs abords. Car jusqu’alors rien n’avait été fait. Pas même la pose de panneaux informatifs, sur les sites les plus sensibles. Il y a deux ans, Areva a annoncé son intention de concentrer sur la commune de Persquen (350 habitants), près de Guémené-sur-Scorff (56), la totalité des remblais de sept anciens sites de l’ancienne concession minière de Lignol (56). « J’ai été mis devant le fait accompli, commente Michel Le Gallo, le maire. Je suis tombé des nues. J’ai pris connaissance de ce projet en juin 2014 lors d’une réunion à la préfecture. Personne avant ne m’avait averti. Même pas Areva. Les documents qu’on m’a mis sous les yeux avaient été rédigés plusieurs mois avant ».

« Il aurait fallu agir il y a trente ans »

Le choix de Persquen n’est pas anodin car le groupe nucléaire français y possède un ancien site minier au lieu-dit Prat-Merien, à un kilomètre du bourg. Un terrain de 3 hectares, recouvert de landes. Le projet initial prévoyait d’entreposer à l’air libre 5.000 m³ de stériles. Roche qui, logiquement, n’a pas été en contact direct avec l’uranium. Ce à quoi il fallait ajouter 1.500 m³ de sédiments (terre, boues et poussières volatiles) destinés à être enfouis dans un centre Areva, situé à Gétiné, en Loire-Atlantique. Dans ce dossier, le maire dit être allé de surprise en surprise. « On manquait d’information. La population était inquiète. C’était légitime ». Il a fallu attendre deux ans pour que les choses évoluent en ce sens. Une première réunion d’information a eu lieu en février dernier. Puis une suivante en juin. « Lors de cette dernière réunion, j’ai appris que 5.000 m³ supplémentaires allaient être entreposés ». Des remblais miniers réutilisés pour aménager des talus, des routes ou conforter les soubassements de constructions, localisés lors d’opérations menées en hélicoptère. « Ces stériles ont été disséminés dans la nature, se désole Patrick Boulé, président de Roz Glas, sans que personne ne s’en préoccupe. Il aurait fallu agir il y a trente ans. On n’en serait pas là aujourd’hui ». Une porcherie, aujourd’hui fermée, a même été construite sur ces remblais à Persquen. « Des contrôles de radioactivité y ont été menés. Elle était assez importante », poursuit le maire.

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Trois mois de travaux

Areva et la Dreal (*) ont prévu d’acheminer ces stériles, l’an prochain, pendant trois mois. Ce qui représente 425 rotations de camions. « Des précautions seront prises pour limiter les envols de poussières et les nuisances sonores », assure la préfecture du Morbihan. Il est prévu qu’une couche de terre végétale soit mise en place afin d’assurer une reprise rapide de la végétation. Des mesures de radioactivité du terrain seront effectuées « selon un quadrillage précis ». Un ruisseau, affluent indirect du Scorff, coulant en contrebas du terrain visé. Plus les jours passent et plus le maire reste circonspect. « Selon mes informations, le premier projet de 5.000 m³ serait au point mort. Areva ne pouvant plus prendre An charge en Loire-Atlantique les 1.500 m³ de sédiments. J’ai demandé des informations. Je ne les ai toujours pas eues ». Même le député de la circonscription Philippe Noguès s’est ému de ce manque de transparence, en totale contradiction avec les consignes données par Jean-Louis Borloo, ancien ministre de l’Écologie. Dans une circulaire datée du 22 juillet 2009, il écrivait ceci : « Nous attachons beaucoup de prix à ce que la mise en oeuvre de ce plan d’action se déroule dans un cadre associant de la meilleure manière qu’il soit l’ensemble des parties concernées par ce dossier ».

2018 : date butoir

Le conseil régional, lui aussi, aimerait bien que les choses aillent plus vite. Le 27 juin 2014, les élus avaient adopté, à l’unanimité, un voeu pour la décontamination des sites. Demandant au préfet de région « que le nécessaire soit fait pour qu’à la date butoir de 2018, les communes concernées soient sécurisées juridiquement et financièrement. Les communes bretonnes concernées seront, en 2018, responsables de la décontamination et de la dépollution des sites miniers, la responsabilité d’Areva (sera) à cette date dégagée ». Selon certaines sources, Areva, qui est en proie à des difficultés financières jamais égalées – 5 milliards de pertes en 2014 – jouerait la montre pour ne pas avoir à financer ces travaux. Malgré nos demandes, Areva n’a pas souhaité répondre à nos questions. La Dreal, elle, s’est contentée de préciser que le calendrier des travaux de rapatriement des stériles miniers, sur la commune de Persquen, en 2017, « sera confirmé lors de la prochaine Commission interdépartementale de suivi de la concession de Lignol. Il est également toujours prévu que la société Areva réponde à ses obligations réglementaires et prenne en charge l’acheminement et le traitement de sédiments miniers (…), dans un site spécialisé en Loire-Atlantique. À ce jour, la Dreal Bretagne ne dispose d’aucune information de la part de la société Areva infirmant cette programmation ».

* Dreal : Direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement.
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