2002 – Défi Areva

AREVA nique la mer

Janvier 2002 – Atomic Warrior :

Le monde de la mer et la Bretagne pris en otage par le lobby nucléaire !

Réunions publiques, actions symboliques avec en final la perturbation du baptême par une pirogue de 14m, le Réseau 56 Sortir du nucléaire met en échec et ridiculise le “Défi Areva pour la coupe de l’America”…

Historique et enjeux

Le 11 janvier 2002, Xavier de Lesquen, directeur général du « Défi français » pour la Coupe de l’America (la plus grande et la plus fameuse compétition nautique au monde), et Jacques-Emmanuel Saulnier, directeur de la communication d’AREVA (nouvelle holding nucléaire française), tenaient une conférence de presse près de Paris. Deux annonces furent faites à cette occasion :

  1. Areva apportait 15 millions d’euros (100 MF) au « Défi », soit 75% du total des sommes réunies pour le financer (il manque encore 4 millions d’euros pour boucler le budget),
  2. Le « Défi français » changeait de nom pour devenir le « Défi AREVA ». Depuis janvier, la ville de Vannes, où se construit actuellement le bateau, et celle de Lorient, où sont installées la logistique à terre et la base d’entraînement du « Défi Areva », ont acquis une certaine renommée internationale… mais peut-être pas comme elles l’auraient souhaité. En effet, à Auckland en Nouvelle-Zélande, là où les éliminatoires de la Coupe de l’America se dérouleront à partir d’octobre 2002, le premier quotidien du pays (« the New Zealand Herald ») a déjà consacré quatre articles aux villes bretonnes qui accueillent « Atomic Warrior » (en anglais « guerrier atomique »). « Atomic Warrior », c’est le surnom que les Néo-Zélandais ont donné au « Défi Areva », en souvenir du bateau de Greenpeace, le « Rainbow Warrior », coulé dans le port d’Auckland en 1985 par les services secrets français. Ce crime d’Etat causa la mort d’un photographe portugais. Or, c’est sur les lieux mêmes du crime que le « Défi Areva » compte se présenter en septembre. Quelle provocation !Et voilà l’image de la Bretagne à l’autre bout du monde dégradée en quelques jours par celle de l’industrie nucléaire. Son image abîmée par le nucléaire alors que depuis plus de 30 ans les Bretons luttent avec succès contre les nombreux projets de centrales nucléaires (Erdeven, Plogoff, Saint-Jean-du-Doigt, Plouézec, Le Pellerin, Le Carnet), les projets d’exploitation de mines d’uranium (Berné) et les projets d’enfouissement de déchets radioactifs (Fougères, Dinan, Quintin, Huelgoat) que le lobby nucléaire voudrait lui imposer. Comment pourrions-nous accepter cela et rester les bras croisés ?

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Pourquoi le « Défi AREVA » ?

Depuis le 11 janvier 2002, on peut lire sur le site internet d’Areva (www.arevagroup.com) : « Areva, leader mondial dans les métiers de l’énergie nucléaire… en s’associant au Défi, souhaite symboliser les valeurs communes des différentes entreprises du Groupe et développer sa notoriété internationale. Ce partenariat sera un outil de fédération interne et contribuera à la construction de l’image d’Areva ». Le sponsoring d’Areva n’a donc rien de gratuit : il s’agit d’une grosse opération de pub.Areva ? Ce nom ne vous dit peut-être pas grand chose. Normal puisque cette holding n’a été créée que le 3 septembre 2001. En revanche si l’on vous dit Framatome, Cogema et Commissariat à l’énergie atomique (CEA), qui sont les composantes principales d’Areva, tout s’éclaire. Areva est présent à toutes les étapes de l’industrie nucléaire, de l’extraction d’uranium au stockage et au retraitement des déchets radioactifs (La Hague), en passant par la construction et la maintenance de réacteurs nucléaires. Areva est le leader mondial du nucléaire. L’Etat français contrôle directement ou indirectement 91,74% de son capital. Autant dire que la décision d’engager 100 MF dans un bateau a forcément reçu l’aval du pouvoir politique au plus haut niveau de l’Etat.

Le sponsoring d’Etat pour les bateaux qui représentent la France dans la Coupe de l’America n’est pas nouveau, c’est même une tradition. Mais cette fois, nos dirigeants politiques en choisissant Areva plutôt qu’un autre groupe à capitaux publics pour sponsoriser le « Défi » ont la volonté de renforcer les positions du lobby nucléaire en France et dans le monde. Et cette décision s’est prise, évidemment, dans le secret des cabinets, sans débat public, dans la grande tradition du nucléaire français civil ou militaire, illustrant de façon caricaturale le fossé qui se creuse entre le Pouvoir et les citoyens.

Cette décision intervient dans un contexte français et mondial marqué par plusieurs événements :

  • la création d’Areva qu’il s’agit de « populariser »,
  • la décision prise par plusieurs Etats européens d’abandonner le nucléaire civil (Allemagne, Italie, Suède, Belgique), ce qui restreint le marché en Europe et renforce les arguments en faveur d’une sortie du nucléaire en France,
  • a contrario l’annonce faite par le président américain George W. Bush d’une relance du nucléaire aux Etats-Unis (alors que les USA avaient renoncé à tout nouvelle centrale après le grave accident survenu à Three Mile Islands en 1979),
  • l’intervention faite auprès de Lionel Jospin, le 11 janvier 2002, par le secrétaire d’Etat à l’Industrie Christian Pierret et le ministre de l’Economie Laurent Fabius pour que la France lance la construction d’un autre type de centrale nucléaire, dite EPR, à la technologie pourtant déjà dépassée. Le 11 janvier, c’est-à-dire le jour même où le « Défi Areva » était rendu public !C’est dans ce contexte que le monde de la mer, synonyme de liberté et de respect de l’environnement, se trouve aujourd’hui pris en otage par l’industrie nucléaire. Soyons clairs : nous n’avons rien ni contre l’équipage du « Défi », ni contre un bateau qui devrait utiliser ces formidables sources d’énergie que sont le vent et la mer. Mais non, le sponsoring d’Areva ne passera pas ! Mobilisons-nous pour empêcher l’inacceptable !

Ce que l’Etat français a fait, en décidant d’engager l’industrie nucléaire dans la Coupe de l’America, l’Etat français peut le défaire. Forts de la mobilisation anti-nucléaire en Nouvelle-Zélande, nous pouvons agir efficacement ici aussi afin d’obtenir le retrait du sponsoring d’Areva. Par des actions symboliques non-violentes, mais aussi actives et déterminées. La mise à l’eau du bateau à Vannes fin avril était déjà l’occasion de manifestations voyantes et bruyantes. Afin de mesurer tous les enjeux écologiques, de santé publique et politiques du « Défi Areva », le collectif initié par le Réseau 56 Sortir du nucléaire organise deux réunions-débat à Vannes et à Lorient, un rassemblement à Lorient et une action de “sabotage” du baptême du bateau de 24m le 17 mai 2002.

Tract diffusé lors des manifestations contre le “défi Areva”

Première réunion publique organisée à Vannes le 20 mars 2002

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Action de transport par Greenpeace d’eau radioactive prélevée en sortie de tuyau de La Hague jusqu’à l’entrée du chantier où est construit le bateau du “Défi Areva”…

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La flottille anti-nucléaire devant le chantier…

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17 mai 2002 : La pirogue “Stop Atomic Warrior” dans l’action

Mise à l’eau, interception et prise en chasse du bateau du “Défi Areva” (24 m) par la pirogue “Stop Atomic Warrior” du Réseau 56 Sortir du nucléaire.

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Au moment prévu pour le baptême, la navigation est interdite et la pirogue stationne sur le ponton dédié au bateau du défi, lui aussi interdit (ce qui se traduira par une simple amende pour stationnement interdit 😉

Le baptême du bateau par Claude Lelouch et Patricia Kass se fait ainsi en catamini. Claude Lelouch déclare “ le baptême vient de se faire, j’ai le sentiment de m’être fait piéger… Je regrette. ”

 

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Samedi 18 mai : Communiqué du Réseau 56 Sortir du nucléaire

Nous avions promis de perturber le baptême du bateau du défi AREVA… Nous y étions le 17 mai avec une pirogue à balancier de 14m et une dizaine de marins, dont Jo Le Guen et Eugène Riguidel. Dans des conditions météos difficiles et sous les yeux d’une cinquantaines de militants regroupés sur la rive opposée, notre pirogue sans prétentions mais conduite par des marins déterminés a pu imposer un baptême en catimini. Le parrain, Claude Lelouch, accompagné de Patricia Kass, lâche “ le baptême vient de se faire, j’ai le sentiment de m’être fait piéger… Je regrette ”.

Samedi 18 mai, une fausse manœuvre à basse vitesse d’un zodiac de Greenpeace provoque une éraflure sur l’Atomic Warrior. La communication d’AREVA s’enflamme : bateau coulé, trou de 40 cm,… et tente d’exploiter à outrance ce qui n’est qu’un incident mineur ! Curieux comme les mauvaises habitudes du nucléaire refont surface ! Les journalistes et les marins ne sont pas dupes : dès le 20 mai, un premier article de Libération, suivi par Le Monde, le Canard Enchaîné, FR3-Ouest,… ironisent ! Dans les faits, toutes les images produites par AREVA montrent un dommage minime. Cet incident est regrettable en soi car l’action des antinucléaires bretons a toujours été démocratique et non-violente. Il aura au moins montré le vrai visage d’AREVA et l’importance du travail d’information et de communication réalisé depuis 4 mois. Ce n’est qu’un début et AREVA doit s’attendre à nous retrouver sur son chemin d’ici le départ du bateau vers la Nouvelle-Zélande.